Des terroristes avaient planté leur furie dans l’Histoire de la France.
En réponse, un fleuve se déversait des provinces lointaines.
De Brest à Marseille, de Bordeaux aux Ardennes,
le pays défilait en silence.
À un siècle d’intervalle l’appel de Hugo résonnait dans les cœurs :
« Lazare, lève-toi ! » Et ils s’étaient levés.
Personne n’oubliait pour autant ses angoisses
mais la menace avait décuplé les volontés d’alliance.
Des membres arrachés, des chairs éclatées par une rafale démente
on reconstituait la dépouille disloquée.
Il faudrait du temps pour recoller les morceaux de la France éparse.
Marie admirait l’esprit à l’œuvre dans les regards.
Elle suivait le cortège mentalement
fascinée par ces bottes de sept lieues
chaussées d’un seul tenant.
Derrière la caméra qui survolait la scène,
elle poussait d’une main encourageante
les retardataires qui traînaient.
Elle se rappelait cette héroïne de roman
observant, des hauteurs du Fuji-Yama,
les chenilles d’or accrochées au flanc de la montagne sacrée
– enfilade de torches en lenteur solennelle
qui serpentaient vers le sommet
pour surprendre le soleil levant.
Cette tradition stimulait au Japon
le sentiment d’appartenance.
De son poste de guet, la narratrice bouleversée
était connectée à ces milliers d’âmes.
Ici aussi, le spectacle vu du ciel
était – dans le froid de l’hiver –
un grog revigorant.
Marie adhérait à cette maturité en acte
qui mesurait la complexité de sa tâche
aux prises avec l’instinct violent.
Elle escortait de sa confiance les énergies en marche
leur envoyant de loin, des sphères où elle méditait,
la vigueur de son soutien
et, devant l’ampleur du partage spontané,
la gratitude de se sentir
enthousiaste et bluffée.

© Shepard Fairey (OBEY), Liberté, Égalité, Fraternité, 2024