Elle aimait la vie à l’arraché, sur le fil du rasoir.
C’était sa manière d’être au monde.
Quelle que soit sa mission,
elle y convoquait une ardeur redoutable.
Mais elle saisissait maintenant
l’excès de son implication.
Même avec autrui, elle mettait trop d’emphase.
À la moindre erreur (d’elle-même ou de quiconque),
elle réagissait comme si les conséquences étaient irrémédiables.
Elle comprenait sa démesure
quand elle voyait la mine déconfite en face.
« J’ai l’air d’avoir perdu un parent quand je cherche mon dé », disait Sido.
N’empêche, bientôt le corps vieillissant imposerait, à petites doses, son détachement.
Déjà, elle s’obligeait à une économie d’action :
moins de grandes enjambées
moins d’urgences à tenir
moins de projets empilés…
Mais comment se limiter à ce rythme déconstruit ?
En reportant l’énergie, peut-être, sur l’effort à fournir
pour se désengager…
L’espace aurait beau diminuer,
elle parviendrait à contourner le pire
qui serait alors de se décourager.
Ainsi, derrière la résignation apparente
elle ne renoncerait pas au sel de l’existence.
Elle continuerait à en retirer le plus sûr des bienfaits,
la grâce que procure l’exaltation du défi.

© Lois Greenfield