Ce voyage semblait la conduire là, au faîte d’Osorno éteint et plaqué sous la neige, qui se la jouait en Fuji-Yama au-dessus des plaines chiliennes.
Ses chaussures butaient sur les bouts de fer rouillé qui tapissaient le cratère. Celui-ci opposait un écran austère à l’étincelance des neiges qui coiffaient le sommet.
C’est là-haut, en glissant sur la lave calcinée, qu’elle avait mieux compris.
Les battantes, les débrouillardes, les artistes qui n’avaient pas sacrifié leur talent, prenaient le risque d’être jugées sans ménagement.
Dans Un roman russe, Emmanuel Carrère reprochait à sa mère son zèle excessif au travail : son entrée même à l’Académie, disait-il, ne couronnait pas une œuvre méritante (comme on pouvait le croire), mais n’était qu’un moyen de conjurer un exil sans père.
Le fils se déclarait épuisé par tant d’agitation, et cependant héritier malgré lui de ce suractivisme qui, au lieu de le dynamiser comme sa mère, le faisait tourner en rond, changer de femmes et de pays, sans espoir de jamais taire en lui cette voix qui couvrait tous les bruits.
Il ne semblait guère honnête, le fils, dans son acharnement. Pourtant elle savait qu’un enseignement l’attendait, sur son volcan refroidi : c’est à cela qu’Osorno servait, à se soumettre humblement à l’imprévu du destin qui empêche les gagnants de s’estimer plus malins et les font régresser plus bas que ceux qui n’ont rien tenté pour sortir de la mouise.