Aquagym

Elle s’était coulée ce soir-là dans le bassin où s’agitaient de molles contre-vagues.

Des projecteurs incrustés aux parois allumaient des étincelles au gré de la surface mouvante.

Elle était portée par les remous des femmes, lancées dans les éclaboussures du soir comme pour dilapider, en brefs de vigueur qui leur restait.

Soulagée de se savoir inconnue dans la tiédeur de l’eau, corps perdu dans la piscine surmontée d’un large tuyau rouge formant un antre chaud.

Sorte de boyau vivant, sous lequel elle se roulait en boule, sans oublier de rentrer le ventre pour qu’il devienne costaud, avant de faire la planche.

Guidés par la monitrice qui scandait le rythme méthodiquement, les corps obéissaient aux pliés, galvanisés par une sono qui laissait l’esprit libre de ricocher sur l’arrondi des vagues.

Ses jambes rendues diaphanes fouettaient sans relâche le courant. Ou bien elle enfonçait ses plantes de pied en piston, créant des galeries d’eau soyeuse qui moulait ses cuisses et caressait sa peau.  

Et elle flottait ainsi par le simple effet des ponctions en cadence.  

Puis elle repartait sur un allongement des jambes qu’on leur enjoignait maintenant de croiser en ciseaux.  

Elle veillait toujours à ce que d’autres nageuses se trouvent dans l’axe du projecteur : elle ramassait ainsi, dans le sillage de ses compagnes, les copeaux de turquoise qui se détachaient aux oscillations de leurs corps.  

La récompense finale après l’entraînement était le jacuzzi en solo, dans une alcôve surplombant la rivière (elle ne connaissait pas de concept plus stimulant que cette piscine en équilibre au bord de l’eau). 

Les pensées amollies – et un peu en tournis – par les bouillons chauffants, elle y suivait le modelage des nuages : ils se démantelaient sans cesse et se reconfiguraient sous la brise du soir, sculptés à l’argile rouge par le soleil couchant.

En hiver, la lune traversait la salle et lui donnait l’illusion exaltante d’être égarée en pleins bois.  

Elle restait là aussi longtemps qu’elle le pouvait, taraudée par l’heure et les tâches qui l’appelaient, mais les muscles étrangement sourds à ses engagements, allégés par les bulles frémissantes qui la massaient. 

Parfois quand personne ne regardait, elle offrait son arrière-train au jet qui la cinglait, apaisant ce qui restait noué au siège des émotions. 

Elle en ressortait lessivée, régénérée de tous ses mauvais anges, le front adouci des problèmes en attente et plus indulgente pour ces voix qui babillaient leurs affaires conjugales comme si la tolérance ne venait qu’aux esprits délivrés des tyrannies du temps. 

Crédit image © Maxim Berg- Unsplash