Pas-de-côté

Elle s’était engagée dans l’allée de chênes conduisant au manoir.  

Un rai de lumière clignotait, pris aux tenailles du couchant.  

Le soleil était pincé par un garrot de nuages venus du nord des plaines. Sous l’asphyxie, il diffusait un signal périodique, d’un orange que la strangulation rendait couleur de sang.  

Des rayons encerclaient le torse des chênes centenaires. 

Chaque branche à elle seule était un monument. On aurait dit des reptiles immobiles, posés endormis sur les lianes du ciel. 

Au sol les feuilles desséchées se dressaient, rabrouées par le vent comme autant de miroirs réfléchissant le soleil. Celui-ci plongeait en avant pour échapper à ses poursuivants prêts à le saisir.

La lumière s’était empourprée davantage sur la ligne d’horizon. Chaque feuille rebiffée était léchée par un tison ardent.  

Elle marchait avec précaution dans cet embrasement. Elle savait qu’un seul pas à l’oblique éteindrait l’incendie.  

Elle observait les illusions écloses sous le pressoir des nuages.

Que fallait-il choisir ? cette vision qui flattait le réel, ou bien les enjeux qui absorbaient son temps sous un flux de projets ?…  

La jubilation émergeait d’une charge constante.  

En repeignant chaque feuille d’un métal en fusion, le couchant irradiait son message : l’urgence d’accueillir, comme une enfant cachée, la nonchalance perdue 

Non seulement elle l’avait trop souvent combattue, mais elle s’était parfois acharnée contre elle dans l’espoir d’une plus grande performance. 

 

                                                                                 

Crédit image © Ada Teller 

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