Reflet

Matin tonitruant dehors.  

De son lit elle observe la fenêtre traversée de soleil qui se réverbère sur le mur d’en face. 

Par un effet de perspective, le cadre en paraît légèrement aplati. 

Comme dans la caverne de Platon, elle est condamnée à ne saisir du réel que sa déformation de biais. 

Tapisserie ocre et fleurs blanches caracolent sur le fond de sable doré.  

La fenêtre se déplace, glisse progressivement au bas de la cloison,
s’engouffre dans la commode pour toucher bientôt le miroir où s’est imprimée un jour la silhouette d’une mariée, et qui renverra à son tour, sur la paroi d’en face, le reflet du reflet… 

Elle suit maintenant les travées d’ombre qui dessinent sur la glace des rectangles symétriques et réveillent des croisillons de poussière collés à sa surface.  

Le blanc des fleurs est devenu si neigeux qu’il est douloureux au regard.  

Le cadre étincelant surgi de la commode entame un parcours périlleux.

Le miroir renvoie une nouvelle image encore plus imprécise où se devine, flottante, la croisée de départ.  

Happé vers le bas, il se tasse, se réduit, animé d’une blancheur électrique. 

Le jaillissement de lumière devient éblouissant. Il quitte la porte, voyage jusqu’à la grande armoire où l’attend encore un autre bouleversement. 

Là, il se consacre à sa vocation de fantôme dansant dans la galerie des glaces. 

La fenêtre se décroche alors, s’allonge sur le lit, imitant le désir des reflets inconstants. 

Le tissu s’enflamme aussitôt, devient si aveuglant qu’elle saute de son lit, ouvre la fenêtre.

Appuyée au montant,
elle savoure la claque de vert lancée par la pelouse
qui lui assène le réconfort
des réalités authentiques.