La culture quand on a tout oublié

Comment parler des livres qu’on n’a pas lus: le gag de ce best-seller retournait le manque de culture en moyen malin de ne pas perdre la face 

Comment parler des livres qu’on a oublié avoir lus, était une version moins flatteuse dédiée à la mémoire chancelante. 

Elle devait bien l’admettre, le concept avait perdu de son sel : il affichait des limites déroutantes, puisque l’oubli ramenait à un état infantile où quasi rien n’a été encore assimilé ni appris. 

Il lui suffisait de constater son incapacité récente à se souvenir d’un titre, alors que l’ouvrage retrouvé sur son étagère, dûment annoté, prouvait qu’elle l’avait lu. Elle avait besoin de le parcourir plusieurs fois pour quune trame incertaine surgisse.  

Au moins, cette perte de concentration était en phase avec l’époque qui zappait sans arrêt.   

Quel souvenir méritait de rester, hors du plaisir présent qu’on y prenait ?  Peut-être qu’un jour le plaisir lui-même disparaîtrait ?  

Elle s’interrogeait sur le temps consacré à une activité vouée à se déliter aussi vite. 

Mieux valait faire son deuil d’une sauvegarde impossible. Et ne plus s’inquiéter de la déperdition annoncée : car c’est surtout là que le bât blessait, plus cruellement qu’une privation dans la réalité. 

Ra’anan Levy, Babel 1, 2018 © Fondation Maeght 

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