Troc

Elle acceptait mieux les effets que l’âge imprime au corps. 

Le visage qui s’affaisse de manière insensible jusqu’à un pli charnu, l’épiderme qui se tache, les vers bleus qui gigotent sur la peau (elle avait longuement contemplé, petite, les mêmes aux mains de sa grand-mère), les genoux qui boudent la colline à gravir… 

Elle avait trouvé enfin à quoi ça servait, de vieillir.  

Déjà elle se surprenait à être plus tolérante quand on la dérangeait, moins impatiente lors d’une attente forcée, moins sujette aux réactions impulsives. 

Elle montrait plus de discernement dans les choix difficiles, plus de recul sur les résultats imprévus, plus de confiance, au sens large, sur l’avenir incertain. 

Quand elle considérait le gain, la facture à payer ne semblait plus si raide. Elle jugeait le préjudice moins sévère, puisqu’on devenait en échange plus flexible.  

Elle se disait que le système, finalement, n’était pas mal conçu ; que le dédommagementen redistribuant les cartes d’un échec programmé générait un vertige salutaire qui tempérait l’impact d’un effroi commençant. 

Somme toute, l’affaire s’emmanchait habilement. 

© Artisan d’Asie – TDR