Guérisons

Elle en était sûre, on pouvait soigner les troubles psychiques en exposant les sujets dépressifs à la couleur.

Elle-même connaissait l’effet revigorant de certains envols turquoise surlignés de doré qu’une de ses amies peintres savait génialement composer.

Elle se souvenait aussi avoir vu les œuvres de Millet accrochées en parallèle des tableaux de Van Gogh sur les murs d’un musée. Les résonances étaient si lumineuses entre les deux peintres qu’en quittant la salle, elle s’était sentie délivrée d’un poids qui l’oppressait depuis des mois.

De même elle savait qu’un nouveau-né contribue à dissoudre le malaise d’un esprit perturbé.

Elle imaginait dans un Ehpad une lignée de couffins blancs jouxtant le pavillon des déglingués : ainsi les derniers arrivants dispenseraient leurs vertus curatives à une humanité déjà lasse.

Ils l’aideraient à retrouver un équilibre de vie, par le simple exemple de leur attente confiante, et de leur abandon aux soins de l’entourage.

À peine sorti du néant, le nourrisson aurait sa place en société.

Tout petit qu’il était, il pourrait servir d’antidote à l’angoisse.

Il illustrerait un principe oublié, que la fragilité n’est pas une perte pour le rendement social, mais une franche économie au budget de l’État.

Ce qui passait pour de l’improductif recelait la batterie où rebrancher les âmes.

© Musée d’Orsay