Incantation

Viens, ma fille, rejouons le scénario de ton enfantement difficile… 

je pose une main sur ton ventre et l’autre sur le mien 

Mimons ensemble ces fêtes ancestrales  

où des femmes ingénieuses savaient rassurer les jeunes parturientes.

Laisse-moi devenir une de ces figures tutélaires de matrone experte – moi qui ne sais presque rien à ce sujet

Je te masserai afin que la douleur qui te sangle se déprenne de toi  

J’appuierai sur un garrot invisible et l’hémorragie qui coule de ta mémoire cessera 

J’appellerai ton enfant à naître et les forceps retourneront à leur tiroir d’oubli 

Je serai comme ces mères très sages au chevet de leur fille

elles accompagnent leur enfant jusqu’au spasme qui délivre

et leur révèle la force des tendresses alliées

où viendront puiser les générations à venir     

Descendons ensemble ce ravin de souffrance

pour effacer la blessure de l’humanité en gésine

libérer vos entrailles courageuses, Ô vous vierges maries

Je te bercerai, mon enfant dont le corps a germé

et a perpétré en aveugle le miracle de vie

pour que tu renaisses à ton tour de l’amour infini 

Je descends avec toi ces marches de labeur

et j’essaierai de taire que de ce partage-là

– mater dolorosa –

je tire le réconfort ultime

de ne pas perdre confiance

face à ce qui nous détruit.