Elle avait croisé, dans un magasin spécialisé en jarretelles extatiques et soutien-gorge ajourés, un jeune couple maghrébin. La fille soupesait les bodys sous leurs flots de dentelles comme pour mesurer le gain qu’elle pourrait en tirer. Sa rêverie l’entraînait jusqu’à l’alcôve où elle se dévêtirait sous les yeux de l’amant. Elle s’y voyait, moulée dans ce petit turquoise encourageant le regard.
Un ourlet polisson de tulle noir s’évasait sur le pourtour du bas, comme pour indiquer la pente à dévaler.
Excitée d’ajouter à ses charmes, elle s’était dirigée d’un pas ferme vers la caisse, l’article en main, fière d’avoir devancé le désir de son partenaire.
Le compagnon, devinant que sur un terrain aussi ancien il lui serait impossible de s’opposer, avait obtempéré et s’était enquillé discrètement dans la file à sa suite pour payer.
Mais dans ses yeux mi-conquis à la perspective des ébats à venir, mi-interloqués que son caprice d’homme normal ait pu être devancé, c’est la gêne qui se lisait, celle peut-être de déroger à la frugalité qu’il avait héritée d’une lignée de nomades, mais aussi la frayeur de se voir dépouillé – par un oriflamme turquoise qui claquait au vent des intérêts marchands – de ses folies les plus humbles murmurées dans la nuit des fantasmes.
Ils avaient gagné une colonne centrale entre deux rangées parallèles qui se côtoyaient comme à la FNAC. D’un coup d’œil furtif il s’était assuré qu’il n’était pas le seul homme qui cédait aux luxures décriées par Allah.
Il s’était rasséréné aux mines compréhensives de ses collatéraux d’infortune, convaincus, malgré leurs principes virils, de l’impossibilité pour un homme de combattre – en ce qui touche sa toilette ou l’image qu’elle se fait de la façon de séduire – la décision d’une femme.