Sauvages

Les sociétés s’évertuaient à contrôler la sauvagerie des femmes, qui se manifestait aux quatre coins du monde par des comportements semblables.

L’épouse de Barbe Bleue prenait la clef interdite.

Une autre était obligée de plonger dans la mer, abandonnant son petit, pour retrouver son pelage velouté et devenir ce qu’elle tentait de cacher, un phoque étincelant.

De multiples contes retraçaient la nature irréductible des femmes.

Une orpheline pauvre se cousait dans une étoffe magique des souliers rouges qui dansaient du matin jusqu’au soir. Elle devait y renoncer pour être adoptée par une famille riche et bien intentionnée. La petite en demeurait estropiée.

Ses chaussures avaient continué sans elle leurs soubresauts agiles.

La danse était un moyen de survie pour les femmes.

Elles y retournaient comme à un récit primitif, disparu sous les couches de bonne civilité.

Pourtant elles étaient réputées douces pour élever leurs petits et expertes à veiller sur la prospérité du village : en Afrique, c’est à elles qu’était confiée la responsabilité du crédit. Elles, qui creusaient les puits ou reboisaient les terres après les vents de sable.

Mais elles étaient quand même considérées comme des figures de l’extrême, que nulle modération ne pouvait assagir. 

Les préjugés combinaient ces deux motifs contraires.

À moins que ce ne soit le revers d’une même médaille. Que les ménagères ne se soient libérées d’autant plus violemment qu’elles étaient lasses d’une gestion raisonnable.

Le paradoxe s’expliquait sûrement par la controverse initiale.

© Inko di Ö

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