Feuille de route

Deux mots s’étaient progressivement imposés à elle, esquissant la direction à suivre.  

Le premier mettait en jeu la représentation 

Elle se demandait si la souffrance, même physique, ne dépendait pas en partie d’une construction mentale. L’image qu’un malade entretenait de son état pouvait influencer sa guérison. 

Quant au mot bienveillance, il était le relais nécessaire du précédent. C’était une petite sœur de l’amour du prochain (aimer l’autre comme soi-même risquant, chez les insatisfaits, de ne pas mener loin). 

Alors que la bienveillance, elle, ratissait large.  

Sans restriction d’investissement. 

Un parti pris de clémence, sans mollesse pour autant.

La bienveillance lançait une passerelle à l’endroit où se charriaient les plus lourds alluvions. 

Quand on y regardait de près, la bienveillance était avant tout un cadeau à se faire, puisqu’on trouvait soi-même plus de paix à voir autrui sous l’angle de l’indulgence. Le dommage infligé serait interprété comme fruit d’une ignorance ou d’une maladresse inconsciente, plutôt qu’une provocation volontaire. 

Toute la vision en serait allégée.  

L’objectif consistait à enjamber l’offense, en refusant d’envisager toute préméditation dans l’injustice dont on était victime. Grâce à quoi son impact délétère en serait amorti. 

Car si on était en butte à une violence verbale, tout dépendait de la fragilité en soi qui était éveillée : ce qui restait, somme toute, affaire de représentation.