Transmission

Le château avait enjambé les fluctuations de l’Histoire.  

Pillé à la révolution.  

Puis un comité de salut public avait voté sa transformation en manufacture de textile, plus rentable aux finances de l’État.  

Après une longue occupation, il avait été finalement vendu aux enchères.  

Et racheté par l’arrière-grand-père, sous couvert d’un prête-nom. Celui-ci avait déblayé les douves, reconstruit le pont et l’avait entièrement remeublé. 

Le château était passé aux mains des descendants.  

Depuis, il était resté dans la famille. 

Ce remperlage la fascinait. Quelle fibre unissait les générations successives dans le souci commun d’annuler l’expulsion.  

Eux-mêmes n’excluaient pas de reprendre une aile du domaine. La retaper, comme on disait. Lui donner une bonne claque de salubrité.  

Cette cause désuète la rassurait, face aux valeurs lucratives qui s’étaient imposées par la suite.  

Comme s’il fallait toujours qu’une arrogance domine. 

Certains s’étaient imaginé qu’il suffirait de chasser les nantis pour rompre un lien chevillé à l’Histoire. 

Évidemment que le lieu avait produit le nom.  

Mais il ne s’agissait pas de redorer un blason. 

C’est dans la dépossession que s’inventait le génie.   

Dans l’énergie de restaurer ce que l’adversité était venue détruire.