Godille

Elle avait accepté tous les postes à tracas dont l’institution l’avait chargée. Tâches pour lesquelles il fallait se dévouer, mais que (notait-elle au passage) d’autres, sollicités également, éludaient. 

Le problème est qu’une fois le doigt dans l’engrenage, on ne pouvait plus arrêter. 

Faudrait-il s’y éreinter pour entretenir l’illusion d’y être indispensable ? 

Elle godillait depuis longtemps entre les attentes sociales toujours en espoir de bonnes âmes pour assurer les projets. 

Désormais, quand elle s’embarquerait, elle feindrait d’abord de suivre le canal. Puis à la première occasion, elle jouerait discrètement de la rame et manœuvrerait avec dextérité pour se rendre invisible du rivage. 

Et si le jeu se réduisait à ça ? moins à créer des directions nouvelles qu’à pagayer sur des courants divers, si bien qu’à les franchir, on s’imagine atteindre une forme de maîtrise.  

Elle avait acquis une compétence certaine à parer la dérive.   

Cela suffirait-il à se croire aventurière dans l’art de la navigue ? 

© Odile de Frayssinet- ASPA