Danaïde

Sa vie était devenue – sans qu’elle sache exactement à quel moment ça avait basculé – le récipient où se déversaient des missions, des contrats, des initiatives judicieuses, des plans de redressement, qu’elle mettait en œuvre avec diligence, le tout validé par la reconnaissance dont on la gratifiait pour la dédommager du champ de labour incessant qu’était devenu son mental.  

Mais il lui arrivait de saturer. Elle envisageait un droit de jachère à la surcharge. 

De fait, elle était toujours partagée entre ce que ses pairs réclamaient d’elle et un surgissement qui rêvait d’autres voies.  

Elle voulait se convaincre que ce dialogue entre l’escompté et le rebelle offrait – pour déchirant qu’il soit – l’espace dégénéré d’une forme de liberté, infiniment recomposable. 

Au moins, en inventoriant tous les projets qui avaient abouti dans les dernières années, elle ne niait pas que la somme accomplie l’avait délivrée des autres requêtes sociales. 

Elle se le répétait, pour ne pas regretter le mal qu’elle s’y donnait : si le stress laissait les nerfs à trac, il avait un double avantage – vider la tête de l’habitude de se sentir coupable, et fournir la vague satisfaction d’avoir mené à terme ce pour quoi on est là.