C’était, selon les connaisseurs, le plus bel automne à fruits des dix dernières années.
Dans le parc, les arbres plantés en espaliers ployaient sous leur charge, étirant des guirlandes jaunes et rouges tout au long de l’allée.
Et puis, un jour, deux pommiers de la rangée s’étaient fendus, craquant sous leur poids.
Troncs rompus. Brisés par l’abondance.
Ils avaient répandu sur le sol leur œuvre imprévoyante.
Comme l’agenda rempli finit par déborder.
Un bug du logiciel. Trop de fertilité.
Les branches pourriraient dans leur linceul de terre, avec leurs fruits avortés en cours de mûrissement.
Un jour aussi, l’être humain s’effondrait d’avoir usé ses forces. De ne pas s’être réservé, en prévision du pire, une marge d’immunité.
Était remise en cause la mobilisation excessive sous l’écorce apparente :
cet aveuglement qui attise la fièvre de produire,
neutralise la conscience de ses propres limites,
et dissuade l’intelligence de s’arrêter quand il est encore temps.
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